SCENE 1 (tous sont présents)
I_______ Le commissaire
II______ Le facteur
III______ Le père de Claire
IV______ La mère de Claire
V______ La servante
VI______ Le serviteur
VII_____ Le jardinier
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I______ Messieurs, mesdames, je voudrais voir clair !
III______ Claire est là, monsieur ! (montrant la morte)
I_______ Vous vous moquez de moi ? Monsieur, je vois Claire, mais je voudrais voir clair ! Comprendre quoi !
V______ (à VI) Elle est raide celle-là !
VI______ (à V) Ils sont tous raides dans cet état !
I_______ Des commentaires là-bas ?
II______ Ils sont un peu timbrés monsieur le commissaire !
I_______ C’est pas au facteur à parler de timbrés ! Mais soyons sérieux. D’abord, récapitulons. Monsieur (à III) vous êtes le père !
III______ Depuis vingt ans, Monsieur le commissaire !
I_______ (à IV) Vous êtes la pauvre mère ?
IV______ Depuis vingt ans et neuf mois Monsieur le commissaire !
II______ (à lui-même) Bref, grossesse normale !
I_______ Vous taisez-vous ! (puis à VII) Vous êtes jardinier dans la maison ?
VII_____ - Non, Monsieur le commissaire !
III______ Comment non ? Vous êtes mon jardinier tout de même !
VII_____ Oui, mais pas dans la maison, dans le jardin.
I_______ On n’en sortira pas si vous jouez sur les mots ! (à V et VI) Vous êtes quoi vous ?
V______ Moi, je suis sa femme (en montrant VI)
VI______ Moi, je suis son mari (en montrant V)
VI et V ensemble – Nous sommes mariés
I_______ Je m’en fous ? Vous êtes quoi à part mariés ?
VI______ Nous sommes serviteurs de Monsieur, de Madame et de Mademoiselle . Enfin, on l’était.
I_______ Comment on l’était ?
VI______ On ne l’est plus pour Mademoiselle , car elle est morte.
I_______ Oui, je sais. Même qu’elle n’est pas morte comme prévu, je veux dire pas de mort naturelle. Assassinée, Messieurs, tuée, trucidée, éliminée, enfin elle est morte quoi ! Et je ne sortirai pas d’ici sans savoir qui d’entre vous est le coupable. Car le coupable est ici, j’ai du flair comme un chien, comme un chat, enfin comme ce que vous voudrez.
VII_____ Ce serait plus simple si la morte pouvait parler !
VI______ Imbécile, tu ne changeras jamais. Si elle parlait elle ne serait pas morte et le commissaire n’aurait rien à savoir. Donc tais-toi quand tu n’as rien à dire.
I_______ Je voudrais connaître votre emploi du temps. Et un seul parlera à la fois. D’abord le facteur puisque c’est vous qui avez prétendu découvrir le meurtre.
II______ Ben voilà. Je fais ma tournée, je sonne, je sonne comme tous les jours, parce que tous les jours les serviteurs de cette maison m’offrent une tasse de café !
III______ Dégoutant, c’est mon café !
VI______ Votre café n’est pas dégoutant, Monsieur !
I_______ Vous la cafetière ! Pardon, la ferme ! Enfin taisez-vous ! J’entre, car la porte est toujours ouverte quand elle est fermée, enfin je veux dire qu’elle n’est jamais fermée à clé. J’entre donc, je sens le café, je salive déjà, mais soudain, que vois-je ! Mademoiselle Claire est là, étendue, blanche comme une aspirine, je m’approche, je la touche, je l’ai touchée, Monsieur le Commissaire, c’était la première fois, je vous le jure.
IV______ J’espère bien !
I_______ Taisez-vous ! (à II) Poursuivez !
II______ Poursuivre qui, y a personne qui court !
I_______ Poursuivez votre discours, votre déposition !
II______ Je touche donc mademoiselle , pour la première fois !
V______ On dit ça !
I_______ Taisez-vous aussi. Je sais que ce n’est pas facile à demander à une femme de se taire quand elle n’a rien à dire, mais tout de même taisez-vous !
II______ Je poursuis donc mon discours, monsieur le commissaire ?
I_______ Poursuivez, poursuivez !
II______ Je touche Claire !
III______ On finira par le savoir !
II______ Taisez-vous, vous !
I_______ C’est moi qui doit dire cela, mais taisez-vous quand même !
II______ Claire était encore chaude, non je dirai plutôt tiède, oui une bonne tiédeur. (Il touche la joue de Claire) Elle est beaucoup plus froide maintenant, nettement.
I_______ Donc le crime venait d’avoir lieu.
II______ Il avait eu lieu puisque mademoiselle n’était plus chaude mais tiède.
I_______ C’est clair ! Je veux dire c’est évident.
_______ Qui était dans la pièce ?
II______ Moi et elle, ou plutôt elle et moi.
I_______ Et vous autres ? Où étiez-vous ?
III______ Je prenais mon bain !
IV______ Je frottais le dos de mon mari dans la salle de bain parce qu’il y a toujours un point dans le dos où il n’arrive pas, alors je dois frotter moi-même. Il fait du reste la même chose pour moi.
I_______ Je me fous de savoir comment vous prenez votre bain et où vous vous frottez mutuellement parce que vous ne pouvez-vous y frotter vous-mêmes !
_______ Mais peut-on prouver que vous étiez dans la salle de bain à vous frotter ?
IV______ Je dois toujours frotter fidèlement mon mari et ne suis jamais absente de ce devoir, Monsieur le Commissaire.
III______ Vous voulez voir mon dos s’il est propre, monsieur le commissaire ?
I_______ Je me fous de votre dos. Je veux une preuve, un témoignage attestant que vous étiez dans la salle de bain dans la demi-heure qui a précédé le crime !
V______ Moi je sais qu’ils prenaient leur bain.
I_______ Comment le saviez-vous ?
V______ Je regardais par le trou de la serrure !
VI______ C’est vrai, monsieur le commissaire, je l’ai vue, et du reste elle le fait toujours.
I_______ Vous pas ?
VI______ Non, moi c’était quand mademoiselle prenait son bain !
III______ Salaud !
VI______ Non, j’avais simplement peur que le gaz n’étouffe mademoiselle alors je voulais savoir sil elle bougeait, si elle vivait.
I_______ Bon je vous comprends, je fais cela avec ma femme. Donc, je résume : le père et la mère se frotte le dos, la servante regarde les époux se frottant, son mari sait qu’elle en a l’habitude.
VII_____ Mous où était le mari de la servante à ce moment-là ?
VI______ Vous parlerez quand monsieur le commissaire vous le dira !
I_______ Mais la question est bonne. Où étiez-vous quand Madame regardait Madame frottant le dos de Monsieur ?
VI______ J’étais… où étais-je ? Mon Dieu, où ce que je pouvais bien être ? … Mais c’est sûr, j’étais dans la cuisine, je faisais le café du facteur.
I_______ Peut-on prouver que vous faisiez le café du facteur ?
VI______ Oui, le café est toujours là. Il est fait. Comme ma femme regardait à la serrure de la salle de bain depuis une demi-heure, il est évident que j’étais à la cuisine pour faire le café. Vous n’avez jamais vu un café qui se faisait tout seul !
I_______ Si, à la maison j’ai une machine qui fait le café tout seul !
VI______ La patron est trop radin pour acheter cette machine. Ici on fait toujours couler l’eau dans une chaussette comme au moyen-âge.
I_______ Reste donc le jardinier… Où était le jardinier ?
VII_____ Où peut être un jardinier consciencieux sinon au jardin ?
I_______ Qui peut prouver que vous étiez au jardin ?
VII_____ Les feuilles mortes, les roses taillées, les taupes écrasées sous terre, etc.
I_______ Ces témoins parlent peu en général !
VII_____ C’est dommage pour les jardiniers, mais ils n’en peuvent rien.
I_______ Si je comprends bien, vous êtes le seul à ne pas avoir d’excuse, de témoin.
VII_____ C’est moi qui ai le plus de témoins, mais ils ne parlent pas.
I_______ Je ne vais tout de même pas amener des taupes en cours d’assise !
VII_____ Vous auriez l’air fin, j’en conviens. Pourtant ce sont mes témoins.
I_______ Témoins non valables. Du reste les taupes voient mal en plein air, de plus elles étaient sous terre. Donc, pas de témoins valables pour attester que vous étiez au jardin quand mademoiselle a été tuée ici ?
VII_____ Au fond, elle a été tuée à quelle heure ?
I_______ Mon diagnostique : il y a une heure.
VII_____ Il y a une heure, une heure ? … une heure. J’avais déjà été à la toilette, j’avais déjà coupé les roses, j’avais déjà écrasé les taupes, une heure, dites-vous, et bien il y a une heure je n’étais pas au jardin.
I_______ Vous n’étiez pas au jardin ? Où alors ?
VII_____ Je nettoyais les radis dans la remise.
I_______ Un témoin vous a-t-il vu dans la remise ?
VII_____ Oui, monsieur le commissaire.
I_______ Qui ?
VII_____ Le chat !
I_______ Je ne puis amener un chat en cours d’assise.
VII_____ Je vous comprends, mais seul le chat était à la remise avec moi, je n’en peux rien si je suis toujours seul au jardin, à la remise, avec des légumes, avec des fleurs, avec des bêtes. Notez que je suis heureux avec tout cela, je ne ma dispute jamais avec tout ça !
I_______ Quels étaient vos rapports avec mademoiselle Claire ?
VII_____ Aucun rapport au sens où on l’entend en général.
I_______ Imbécile, comment étiez-vous avec mademoiselle ?
VII_____ Je n’étais pas avec elle mais avec les radis.
I_______ Oui, mais en général, pas ce matin.
VII_____ En général, je n’étais pas avec elle, monsieur le commissaire.
I_______ Oui, mais à côté du général, il y a le particulier, le temps-en-temps.
VII_____ De temps en temps, elle venait voir mes roses, elle était gentille comme un bon professeur, souriante comme une religieuse, belle comme mes radis, silencieuse comme le chat. J’aimais mademoiselle . Elle me regardait travailler, j’aimais bien. Quelques fois aussi elle prenait un bain de soleil dans le jardin. J’aimais bien parce qu’elle était fraiche.
I_______ Fraiche comme une rose ?
VII_____ Je n’ai pas été sentir, monsieur le commissaire !
I_______ Vous aviez un petit quelque chose pour Claire ?
VII_____ Comment un petit quelque chose ?
I_______ Ben oui, un petit quelque chose ?
VII_____ Evidemment !
I_______ Voilà qui est intéressant ! Nous avançons. Expliquez-nous cela mon ami !
VII_____ J’avais des radis, monsieur le commissaire !
I_______ Rien de plus ?
VII_____ A part les radis ?
I_______ Oui à part les radis ?
VII_____ J’avais des roses aussi.
I_______ Rien à tirer de ce monsieur. Il reste toutefois que vous n’avez pas de témoin. Vous restez le suspect.
VII_____ Le quoi, monsieur le commissaire.
I_______ Le SU – CE – PET.
VII_____ Je ne suis nullement un SU CE PET ! Je ne suce rien, je travaille moi !
I_______ Je veux dire le coupable probable, l’inculpé potentiel, le criminel hypothétique, le Landru possible.
VII_____ Je suis ce que je suis, un brave jardinier. Je n’en peux rien moi si je ne comprends pas tout ce que vous dites, si mon Pape ne m’a fait aller à l’école, si j’ai réussi ma troisième primaire parce que j’avais des pistons à la commune. Je suis un être simple, moi, simple comme un problème d’algèbre, pur comme une rose, clair comme Claire. Ce n’est pas parce que personne ne m’a vu avec mes raids que j’étais avec mademoiselle. Faut pas pousser. Ce n’est pas parce qu’on ne m’a pas vu à Verdun, en 1916, que j’ai fait la guerre 14-18. Quand j’ai vu mademoiselle hier soir elle était chaude, je crois qu’elle est froide maintenant, le facteur l’a dit tiède, je ne sais pas qui est responsable de ces changements de température. Il n’a pas gelé pour mes roses, je suis content, à part cela je ne sais rien. Et je voudrais retourner à mes radis car ils vont devenir aussi secs que des fesses de damnés.
I_______ Vous restez avec nous, su ce pet.
II______ Evidemment, tu restes Nestor. Tu es le su ce pet.
VII_____ Comment je suis le su-ce-pet. Qui a senti si la demoiselle était chaude, tiède ou froide ? Qui c’est qui a trouvé le crime ? Qui c’est qui a tout vu et qui ne dit rien ? C’est pas parce que tu as un uniforme que tu as raison, on n’est pas en Russie ici !
I_______ Pas de politique, s’il vous plait.
VII_____ Non, mais c’est vrai. Qui a sonné ? D’ailleurs a-t-il sonné ? Le chat n’a pas aboyé, je veux dire miaulé quand il a sonné. Je n’ai pas entendu sonner après tout. As-tu sonné, su ce pet toi-même ?
I_______ Mais c’est vrai, facteur, as-tu sonné ?
II______ Ais-je sonné, n’ai-je pas sonné, voilà la question. Etre ou ne pas être. Qu’est-ce que je raconte moi ? Je dois avoir sonné.
IV______ Je n’ai pas entendu que vous sonniez !
III______ Tu faisais du bruit avec ta chique et tu me frottais le dos, donc tu n’as pas entendu, tu ne sais rien dire.
V______ C’est vrai qu’elle faisait beaucoup de bruit avec sa bouche et sa brosse.
I_______ J’ai donc deux su-ce-pet : le facteur, le jardinier. On avance. Voyons maintenant l’arme du crime. Le mobile, on le connait. C’est toujours le même mobile dans tous les crimes : le fric ou le sexe. Si on supprimait ces deux machins là, y aurait plus de crime, ni de film.
VI______ Ce serait triste.
I_______ Je ne vous ai rien demandé, vous.
VI______ Je dis cela et je ne dis rien.
I_______ Alors ne dites rien. Bon, l’arme. Où est-elle blessée après tout ? La tête est entière. Le reste, on ne le voit pas, mais on le verra à l’autopsie.
VII_____ C’est quoi l’autopsie ?
I_______ On va découper mademoiselle à la police, avec un médecin légiste, pour voir de quoi elle est morte.
VII_____ J’ai fait cela avec mon chien l’an passé.
I_______ De quoi était-il mort ?
VII_____ Il était tombé sur un os de poulet.
I_______ De poulet ?
VII_____ Oui de poulet !
I_______ Vous vous foutez de moi, vous ?
VII_____ Ce n’était pas un os à vous, vous êtes innocent de la mort de mon chien. Moi je ne vous traite pas de su ce pet. Je suis aimable, moi.
I_______ Bon, QU’est-ce que le chien venait faire là-dedans ? Oui, l’arme du crime. Rien autour de la victime. Un fauteuil ! On ne tue pas avec un fauteuil. Faut trouver autre chose. Le lustre ? Il est toujours là. Décidément, on ne voit pas clair !
V______ Vous ne voyez pas Claire ?
I_______ Je ne vois pas clairrrrrrrrr ! Sans e !
V______ Vous voulez que j’allume le lustre ?
I_______ Non puisque ce n’est pas l’arme du crime, mais allumez quand même, on verra plus clair.
III______ (à la servante) Allumez le lustre, qu’on voit enfin clair.
V______ Clair-re ?
Tous ensemble Non clairrrrrrrrr ! SANS E !
V______ Allume le lustre.
Tous regardent Claire.
I_______ Elle est belle tout de même !
II______ Elle était belle tout de même !
VI______ Elle l’est toujours, imbécile. Monsieur le légiste ne l’a pas encore coupée en morceaux à la police pour trouver l’os de poulet !
I_______ Suffit là-bas ! Vos allusions ! Je m’en passe. Na ! Mais de quoi est-elle morte ?
II______ Y a peut-être pas d’arme du crime. On peut tuer sans arme après tout. Le jardinier tort le cou des poulets quand ils les tuent, puis il les fait tourner et la tête se détache, ils saignent et on les mange.
I_______ C’est fini vous le timbré avec vos histoires de poulets. Je vous ferai un procès pour injure à la magistrature dans l’exercice de ses fonctions ! Mais vous m’y faites penser : la strangulation. Elle a peut-être été étranglée.
V et VI__ Beuh !
I_______ Fini les vaches ?
V et VI__ Oui poulet ! Oh pardon.
I_______ Imbéciles. Etre bêtes comme vous, décidément, c’est un don, un charisme. Vous êtes trop bêtes pour être des su ce pet.
V et VI__ Merci, monsieur le poulet.
I_______ Encore ?
V et VI__ C’était une rechute, monsieur le commissaire, un lapsus comme on dit chez les gens bons.
I_______ Les jambons ?
V et VI__ Chez les bonnes gens, ceux qui on fait des études valables, comme aux Sœurs Sainte Marie, par exemple, ou chez les Pères du dessus.
I_______ Bon revenons à nos moutons.
VI______ Où voit-il des moutons ?
I_______ Le cou ? Il est long, beau, blanc, virginal, sans trace, intact. Un cou long comme les actrices. On dirait un cou monté. Non, rien au cou. Mais qu’il est beau tout de même. C’est un beau cou. Pas de strangulation donc. Cou vierge d’attaque à main nue ou à main armée. Faut chercher ailleurs. Un viol peut-être ?
VI______ Je me demande s’il va aller voir ?
V______ Salaud va.
VI______ Toi, tu parleras quand tu n’iras plus voir les patrons qui se grattent le dos.
I_______ Trêve de plaisanterie, non ? On n’est pas ici pour rire. Il y a mort d’homme !
II______ Non, monsieur le commissaire, mort de femme.
I_______ Quand je parle des hommes, j’embrasse toutes les femmes.
II______ Pas vous tout de même.
I_______ C’est une façon de parler, espèce de timbré mal posté !
II______ Je vous prie d’être poli policier mal poli.
I_______ Ne troublez pas mon enquête. Le cou est intact, la tête aussi, le reste on verra quand on fera les morceaux. Dieu que c’est compliqué. Je préfère les crimes traditionnels : une gorge bien ouverte, avec un grand couteau de cuisine bien rouge, du sang qui glette partout sur le tapis. Cà c’est un crime comme je les aime. Le policier voit tout de suite de quoi on est mort, avec quoi.
II______ Cà vous permettrait de trouver le coupable plus vite ?
I_______ Toujours, sachez-le, toujours, il y a les empreintes digitales.
II______ Voulez-vous qu’on vous aide en prenant un couteau à la cuisine ?
I_______ Taisez-vous. Mais qu’est-ce qu’ils sont bêtes aujourd’hui tous ces gens ! Laissez-moi réfléchir. Je suis devant le crime de ma carrière, c’est le sommet de mes aventures, je serai doté d’une promotion à la fin de l’enquête. Mais il me faut le silence. Je me concentre. Silence.
Tous____ Il se concentre.
I_______ Taisez-vous.
Tous____ On se tait.
I_______ Silence.
(silence)
VI______ Il fait tellement calme qu’on entendrait respirer mademoiselle si elle respirait encore.
I_______ Silence, ais-je dit. On doit pouvoir entendre respirer mademoiselle si elle respirait encore.
(silence)
(On entend respirer mademoiselle lentement. Elle bouge à l’insu de tout le monde qui est concentré, chacun la tête dans les mains. Elle se redresse lentement, regarde partout, étonnée. Se lève. Tourne autour de chacun : père, mère, etc. sans que personne ne la voit. Montre son étonnement par des mimiques, puis part à la cuisine qui sent bon le café).
I_______ Je crois que j’ai trouvé l’arme du crime, le mobile, le coupable.
(Tous le regardent)
I_______ Mais c’est bien sûr !
III______ Quel est le salaud ?
VI______ Quel est le salaud ?
VI______ Je parie que le salaud est le timbré.
V______ Je parie que c’est le jardinier avec ses radis, et ses histoires de taupes à dormir debout et de roses coupées, et de poulets coupés en les faisant tourner.
VII_____ Le jardinier jardine, madame, il ne tue pas.
I_______ Oui, j’ai trouvé. Le facteur entre sans sonner, pendant que les époux se frottent le dos en chiquant dans la salle de bain pendant que la servante regarde par la serrure et que son mari fait le café puisqu’ils n’ont pas de machine à faire le café comme j’en ai payé à ma femme après dix ans de mariage quand j’avais ras le bol de me lever avant elle. Donc il reste le jardinier et ses radis. Comme il faut deux mains pour nettoyer les radis, ce ne peut être lui. Donc une seule personne est le su ce pet : c’est moi. Imbécile, ce n’est pas possible puisque je ne suis venu qu’après qu’on m’a téléphoné pour dire que la demoiselle était morte et encore tiède. Décidément, je ne vois plus clair.
VII_____ Mais moi non plus je ne vois plus Claire !
Tous____ Où est Claire ?
Claire___ Ici, à quoi jouez-vous ?
Robert SMET.